Soirée hommage à Alexeï Lossev

Lundi 30 mars à 18h30

Librairie des Editeurs Réunis

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Alexeï Fiodorovitch Lossev (en russe : Алексе́й Фёдорович Ло́сев), né le 10/22 septembre 1893 à Novotcherkassk et décédé le 24 mai 1988 à Moscou, est un philosophe russe, philologue et culturologue, une des figures principales de la pensée philosophique et religieuse russe et soviétique du xxe siècle.

 La joie pour l’éternité, Correspondance du Goulag, (1931-1933)
Traduit du russe par Luba Jurgenson, édition Syrthes.
La correspondance des Lossev est un document exceptionnel sur le quotidien du camp: le froid, la faim, les travaux « généraux », les criminels, les transferts, les incessantes démarches entreprises dans le but d’obtenir une révision de peine, l’obscurité, l’humidité, les châlits rapprochés, l’existence dans des « baraquements où les hommes sont serrés comme des harengs ». Dans les tréfonds de cet enfer résonnent deux voix qui n’en forment qu’une : la première inquiète, interrogative, révoltée, en quête de sérénité ; la seconde douce, régulière, tendre, très proche, très intime, qui cherche à bercer l’âme épuisée de son compagnon. Ce n’est pas simplement un dialogue entre deux personnes qui s’aiment profondément et se comprennent, ni une confession réciproque (« Je sens que tu es la seule personne à qui j’aurais pu me confesser réellement, car personne d’autre ne me comprendrait ni ne m’aiderait comme toi »). Au cours de cette descente aux enfers, Lossev ne s’avoue pas vaincu : « C’est pourquoi malgré ces années 1930-1932, je continue de penser que notre voie était juste et que nous nous étions positionnés de manière adéquate nous, des hommes du XXe siècle, parmi les problèmes universaux de la religion, de la science, de l’art, de la société, en créant notre propre mode de vie qui ne saurait être détruit […] parce qu’il est dans son essence l’image même de la vérité du XXe siècle qui ont voulu embrasser dans leur esprit et leur cœur l’expérience historique universelle de la culture humaine […]. » Lossev considère que toutes les souffrances qui sont échues à lui et à sa femme, ne sont pas absurdes : « Elles sont nécessaires pour le monde et l’histoire mondiale. » C’est pourquoi la terrible vie du camp va avec une lutte incessante pour sa propre âme, pour la conservation, au sein de cette expérience collective de « l’obscurcissement de la conscience », de « l’estime réciproque » et « du trésor de l’amitié ». Ce qui explique la récurrence des souvenirs attachés à un passé perdu, la cellule à la « cime » (mezzanine) de la vieille maison située rue Vozdvijenka où les Lossev habitaient avant leur arrestation, « havre de l’intelligence dans l’affliction et le chaos de la vie », la bibliothèque, la musique, la quête religieuse, la philosophie. Ainsi que les conférences données en prison sur l’histoire de la philosophie, l’esthétique, la logique et la dialectique, l’étude du calcul différentiel et intégral dans la cellule, l’enseignement de l’arithmétique dispensé au camp dans le cadre de la campagne d’alphabétisation, le projet de livres de mathématiques et d’astronomie, les premières tentatives d’écriture de la prose. Dans sa lettre du 19 février 1932, Lossev met sa vocation littéraire en avant : « Ma toute proche, je suis un écrivain et je ne peux pas vivre sans le travail littéraire ; et je suis un penseur, je ne puis vivre sans la pensée et la création intellectuelle. » Au camp, n’ayant pas la possibilité de « même de noter la trame du récit (pour ne pas oublier) », il est tourmenté par un « incroyable besoin d’écrire », par des « vagues d’images littéraires denses et riches qui s’enchaînent formant des récits fantastiques ». Devenu « travailleur libre » en octobre 1932, Lossev écrit, à la suite, de nombreux récits.   La correspondance des Lossev n’a été publiée dans son intégralité, en Russie, qu’en 2005. Elle a été découverte par hasard en 1954 par la seconde compagne et ancienne disciple de Lossev, A. Takho-Godi. C’est une occasion unique d’entrevoir l’âme du penseur, de connaître le regard qu’il a posé sur une situation existentielle extrême qui contribuait à révéler l’essence de l’homme.

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