Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko

Le 30 janvier dernier à Paris, à l’ambassade de la fédération de Russie, un hommage a été rendu au grand poète russe, Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko. Une foule nombreuse s’est rendue à l’invitation de l’ambassadeur, Monsieur Orlov, à tel point qu’il fallut rajouter des banquettes et des chaises dans la grande salle de spectacle du boulevard Lannes. Ce fut une belle soirée littéraire et musicale auquel le public a répondu avec ferveur. Est-il besoin de rappeler que Evgueni Evtouchenko est l’un des poètes majeur de la Russie des XXe –XXIe  siècles ? Sa notoriété fut même pendant un temps, aussi importante en Occident que le fut plus tard celle de Soljenitsyne. Son courage, sa lucidité et son inspiration en ont fait une sorte de porte-drapeau de l’intelligentsia de son pays, et certains même ont vu en lui « un nouveau Maïakovsky ».

Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko sur la scène
de la salle spectacle Bd Lannes (© DdK)

Né en Sibérie le 18 juillet 1933, à Zima, dans l’oblat d’Irkoust, il fut un des représentants emblématiques de la génération du « dégel » intellectuel qui a suivi la mort de Staline. Il est alors une des premières voix humanistes à s’élever en URSS pour la défense des libertés individuelles. Poète précoce, il publie son premier recueil, Perspectives d’avenir à l’âge de19 ans et rejoint l’Institut de Littérature Gorky à Moscou, avant d’en être rapidement expulsé, pour « individualisme » .

Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko en 1961.

En 1961, vingt ans après le drame, il écrivit son  poème Babi Yar sur le massacre de plusieurs dizaines de milliers de juifs, attribué aux nazis. Dimitri Chostakovitch utilisant ce poème (traduit en 72 langues) dans sa 13e symphonie, opus 113, en fit une de ses œuvres les plus poignantes, comme a pu le constater le public de la salle Pleyel, le 8 janvier dernier lors de son interprétation par l’orchestre du théâtre Marinsky, sous la direction de Valery Guergiev.

Statue de Babi Yar à Kiev commémorant le massacre.

A l’âge de 20 ans, après la parution de son premier livre, Evgueni Evtouchenko, devient le plus jeune des membres de l’Union des Ecrivains de l’URSS. Il est alors adulé par les uns pour son franc-parler et réprouvé par les autres qui lui reprochent son opportunisme.
Figure emblématique du « dégel » des années 60 du siècle dernier, et en compagnie de Robert Rojdes tvenski, de Boulat Okoudjava et d’autres poètes, il faisait les salles pleines au Musée Polytechnique de Moscou où il anime toujours des soirées poétiques. Evtouchenko se positionne aujourd’hui comme poète, prosateur, publiciste et réalisateur qui a autant d’adeptes que de détracteurs. Dans les années 70 et 80, il s’était consacré surtout au cinéma, comme acteur et comme réalisateur.

Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko sur la scène
de la salle spectacle Bd Lannes (© DdK)

En 1989, il est élu au Parlement où il soutient Gorbatchev puis Eltsine qu’il entourera durant les soixante heures que dura le putsch, à l’intérieur du Parlement. En 2000, profitant de la liberté retrouvée, il partage son temps entre la Russie et les USA où il enseigne dans plusieurs universités.

Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko et Richard Nixon

Grand et mince, avec de magnifiques yeux bleus, Evtouchenko, impressionne par sa stature et son charisme. En Russie il attirait à ses lectures des foules de 30 000 personnes. Il se considère comme « le petit-fils spirituel de Pouchkine » rapportait en 1995 Anthony Wilson-Smith dans The  Cnadian Encyclopédie.
La soirée du mercredi 30 janvier a donc été un grand moment d’art et d’émotion. Après que Monsieur Orlov ait accueilli et présenté le poète, se sont succédés sur la scène, des lectures de poèmes en russe et en français par Svetlana Krioutchkova et Youri Vassiliev Merkoulva, les étudiants de l’atelier théâtre de Limoges ainsi que son directeur, Anton Kouz netsov. Le chanteur Oleg Pogoudine, artiste émérite de Russie, et le pianiste Igor Ouriach ont également interprété une chanson de Jacques Brel qui fut l’ami de Evtouchenko qui lui avait dédié un long poème. Pour clôturer la soirée, le poète a remercié tout le monde par la déclamation d’un long poème en prose qui lui valut un tonnerre d’acclamations par le public debout, l’un d’eux allant même jusqu’a crier avec fougue un retentissant «Spassiba ».

Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko sur la scène
de la salle spectacle Bd Lannes remerciant le public(© DdK)

(La voix de la Russie)