Club Culturel Belgo-Russe

Jeudi 5 avril 2018 à 19h

Projection en larges extraits commentés de l’opéra
Fedora d’Umberto Giordano

Principaux rôles
Princesse Fédora Romazov, soprano
Comte Loris Ipanov, ténor
Comtesse Olga Sukarev, soprano
De Siriex, diplomate, baryton
Desiré, serviteur, Ténor
Dimitri, serviteur, contralto
Grech, Inspecteur de police, basse
Lorek, chirurgien, baryton
Cirillo, cocher, baryton
Borov, médecin, baryton
Boleslao Lazinski,, pianiste

Chanté en italien avec sous-titres français Introduction par Michel De. Le manuscrit date de fin 1878 ou 1879. On ne trouve trace de ce projet de nouvelle ni dans la correspondance de Tourguéniev, ni dans les souvenirs laissés par ses amis. Cela tient peut-être à la prudence, vu le côté audacieusement autobiographique et les passages difficiles à faire accepter par la censure. Bien qu’inachevé et sans nom, c’est un texte qui vaut la peine qu’on s‘y arrête parce qu’il montre sa méthode de travail. L’action écrit-il, devra respirer les odeurs d’un Paris galant, avec ses boutiques suspectes du Palais Royal, une chiromancienne, un thé à l’hôtel Vouillemont, une sortie au Théâtre Français, etc. Les ambiances sont plantées et précises.

Tourguéniev nous a laissé plusieurs exemples de ce schéma d’un homme pris entre deux femmes archétypiques et antithétiques (femme fatale qui en fait délaisser une autre, pleine de qualités), notamment dans Une Correspondance (1856), Nid de gentilshommes (1859), Fumée (1867) et Eaux printanières (1871). Spécialiste de Tourguéniev, André Mazon a étudié ce manuscrit et le commente comme suit: «La nouvelle abandonnée par Tourguéniev s’achève sur l’évocation d’un bonheur de famille qui mûrira loin de l’influence de l’aventurière énigmatique, délaissée et oubliée. Cette trame rapide, qui nous montre une fois de plus combien Tourguéniev est prisonnier d’un petit nombre de formules, est peu apte à se renouveler, et ne répond pas aux laborieux préparatifs qui semblent nous annoncer un grand roman». Ce «Don Juan connu», comme écrit Tourguéniev à propos de son père, a rencontré Adèle en 1922, de passage à Paris (le père de Tourguéniev s’y trouvait effectivement). Là où l’histoire se corse, c’est que Travine n’hésite pas seulement entre Sabine et Macha, mais aussi entre cette dernière et sa mère, Sofia Lanina, 40 ans, veuve à la sensualité décrite comme charmante et excitante, et qui «sait faire l’amour» de manière surprenante, et avec un grand style (Le mot russe, assez cru, figurant dans le brouillon, n’est présent que par son initiale, et n’était sans doute pas destiné à la publication).

Fédora (rôle-titre), princesse russe entourée d’autres pétersbougeois et d’un pianiste-espion polonais, un compositeur italien, un livret fondé sur une pièce française créée par Sarah Bernardt, une intrigue digne d’un roman policier anglais, une mise en scène de l’opéra de Barcelone, reprise par le Metropolitan de New York, trois actes qui se passent respectivement à Saint-Pétersbourg, à Paris et dans le décor alpin de l’Oberland bernois… Pour notre plus grand bonheur, l’art déborde des frontières et s’enrichit de ces coopérations et de ces osmoses.

Après avoir présenté cinq opéras de compositeurs russes (Rimski-Korsakov, Tchaïkovski, Moussorgski, Prokofiev et Glinka), le choix porte cette fois sur un regard sur la Russie, vue de l’extérieur, avec une œuvre de 1898, à l’apogée de l’art nouveau, dans le style vériste qui prolonge le réalisme littéraire, un courant né en Russie avec Gogol, Pouchkine, Tourguéniev et quelques autres. Le livret se fonde sur une pièce française de Sardou qui date de 1882. L’intérêt de celui-ci pour la Russie s’explique par la vague russe qui déferle sur l’Europe à la faveur des réformes d’Alexandre II et de sa mort tragique dans un attentat en 1881, mais aussi par la découverte de la littérature russe grâce notamment à Ivan Tourguéniev qui vivait en France, a traduit des auteurs russes en français et a même écrit quelques œuvres en français.

Cette époque a vu la construction d’un des plus beaux ponts de Paris, le pont Alexandre III, inauguré pour l’Exposition universelle de 1900, fruit et symbole de la féconde amitié franco-russe signée en 1891 par Alexandre III et le président de la République française.

La première pierre du pont fut posée par Nicolas
II, l’impératrice Alexandra Fedorovna et le président Félix Faure le 7 octobre 1896. Peu après, Paris a découvert les Ballets russes dans cette période extraordinairement productive sur le plan artistique, à laquelle le conflit de 1914-1918 déclenché par François-Joseph a mis fin pour le malheur des peuples et notamment du sien dont l’empire a été rayé de la carte. Comme la marée, l’histoire est faite de flux et de reflux, mais elle ne pourra jamais nous priver de la richesse de ces échanges culturels.
Si nous avons choisi cet opéra, c’est aussi très symboliquement pour saluer un autre constructeur de ponts et un autre Alexandre, à savoir, Alexandre Razoumov, directeur du Centre Culturel et Scientifique de Russie à Bruxelles, qui arrive malheureusement pour nous en fin de mandat, et que nous voulons remercier par ce petit clin d’œil pour le travail remarquable qu’il a accompli avec son équipe au service de toutes les disciplines artistiques: de la musique classique ou populaire jusqu’à l’artisanat, en passant Il a toujours soutenu les projets de notre Club Culturel Belgo-Russe, notamment quand nous avons organisé à Bruxelles la commémoration du tricentenaire du passage de Pierre-le- Grand dans notre capitale. Grand érudit, homme chaleureux,animateur inlassable, il ne laissera à Bruxelles que des amis et que des regrets dans le cœur de tous. Cette projection de Fédora sera donc pour nous le moment de le remercier et de lui souhaiter «Bonne chance» dans ses nouvelles fonctions. Nous espérons vous y voir d’autant plus nombreux pour la projection de cet opéra composé dans le style de l’époque, et chanté notamment par Placido Domingo, avec de magnifiques décors et costumes.

ENTRÉE LIBRE

 

Club Culturel Belgo-Russe
21 Rue du Méridien, 1210, Bruxelles

De Grave, président: 02 469 28 76 / 0478 53 73 73