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« La voix est une faculté plus précieuse que la virilité. » C’est Robert Sayer, bénédictin et moraliste anglais du XVIe siècle, qui le dit. Et voilà les castrats légitimés par l’Église.

Elle sont venues d’Espagne, ces voix sublimes qui ont envahi la liturgie catholique, soutenues par les États pontificaux et le royaume de Naples notamment – qui s’assuraient l’exclusivité des plus brillantes. Depuis l’admission officielle de Rosini dans le Chœur pontifical en 1599, le  musico, ou virtuoso, comme on l’appelait respectueusement, a triomphé durant trois cents ans au sein de l’Église romaine. Et ce n’est pas l’interdiction du chant féminin dans les églises qui explique seule un tel engouement : il existe bien une jouissance particulière qui explique la place de l’art des castrats dans la musique sacrée. On se battait aux portes des églises pour entendre Loreto Vittori, de la Chapelle papale, ou Caffarelli, Farinelli, Senesino, ces « primi uomini » que les basiliques et cathédrales se réservaient jalousement, avant de les laisser filer vers les salaires plus rémunérateurs des grands théâtres.

Les compositeurs majeurs – Porpora, Haendel, Hasse, Broschi – ont écrit pour les castrats. Et naturellement Vivaldi dans ses opéras. Même lorsqu’il écrivait ses pièces sacrées pour les jeunes filles de la Pietà, nombre d’airs étaient destinés à la tessiture de contralto qui, dans le registre religieux comme dans le domaine profane, en se distinguant des sopranos, apportait la chaleur et la méditation profonde, propres aux voix graves.

Cette technique de chant, celle des castrats dont Farinelli fut l’un des plus célèbres, Alexis Vassiliev la maintient vivante aujourd’hui. Doué d’un pur contralto, il travaille incessamment à en entretenir la profondeur, la puissance et l’expressivité qui caractérisaient les voix de ces chanteurs qu’on voyait aussi au théâtre.

Il anime ainsi un registre moins entendu que celui des sopranistes, mais qui évoque au plus près celui des interprètes légendaires de Jules César, Orlando et tous les héros incarnés par l’art de Farinelli et ses rivaux.